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« Notre vie est un voyage constant, de la naissance à la mort. Le paysage change, les gens changent, les besoins se transforment, mais le train continue. La vie, c’est le train, ce n’est pas la gare »

Paulo Coelho

La beauté du voyage ne tarit jamais, et pourtant, lorsque l’on évoque celui-ci, c’est souvent la destination qui prime. Mais pourquoi ne pas accorder davantage d’attention au trajet lui-même ? Profiter pleinement des instants précédant l’arrivée à l’hôtel, ou considérer que le transport est, en soi, une part essentielle du périple.  C’est un précepte qui semble de plus en plus adopté par les grands groupes hôteliers, qui transforment désormais l’offre d’escapades « mobiles » les convertissant en luxueuses expériences de demain.

Au croisement des tendances des hôtels tout compris et des séjours atypiques, de plus en plus d’entreprises cherchent à se diversifier en développant des transports de luxe. On assiste ainsi à l’expansion de nouvelles offres, telles que les voiliers et yachts de prestige, mais aussi au retour de concepts anciens, tels que les trains de type « Orient Express », ou encore à l’intégration du transport de luxe dans les offres d’hôtels iconiques. 

Le voyage haut de gamme est-il un simple retour de mode ? Les trains de luxe, comme l’Orient Express, demeurent une référence constante ; les yachts rappellent l’âge d’or des croisières des années 1920, où les paquebots régnaient en maître dans l’extravagance des traversées. Les avions étaient autrefois réservés à une élite, tout comme les voitures privées, le tout conçu pour offrir à la clientèle une expérience et un style de vie haut de gamme. Ainsi, en 2023, les ventes de yachts et d’avions à réaction privés ont augmenté de 11 % par rapport à 2022, atteignant 29 milliards d’euros. (Bain) 

Si certaines tendances refont surface, c’est parce que le public recherche avant tout une authenticité dans le service. Les voyageurs aspirent à une offre unique et incomparable, où ils ne sont plus simplement en séjour comme des milliers d’autres, mais participent plutôt à un moment spécial, hors du temps. Aujourd’hui, c’est l’expérience de luxe à 360° qui prévaut ! Les grands groupes l’ont bien compris et fondent leur développement sur cette tendance économique de fond, avec le transport de luxe comme segment clé. C’est dans ce contexte que les innovations et les réintroductions dans le secteur du transport haut de gamme prennent tout leur sens. 

Alors que le Venise Simplon Orient Express, un des joyaux du groupe Belmond a repris le flambeau de l’héritage Orient Express depuis 1982, le groupe Accor a lui aussi annoncé qu’il lancera à la fin de l’année 2024 son propre train, l’Orient Express La Dolce Vita. Ainsi, d’une marque à l’autre, l’Orient Express reprend du service !

Pourtant, historiquement, l’Orient Express, bien qu’il soit synonyme de luxe et d’extravagance, avait pour but premier le transport rapide entre Paris et Constantinople. En effet, en 1883, le train était le moyen de transport le plus rapide, et c’est ainsi que s’est développé cette offre.

Aujourd’hui, les trains de luxe sont de véritables hôtels sur rails, offrant un service tout compris fusionnant gastronomie, confort et prestige. Belmond, en plus des célèbres trains « Orient Express » qui allient nostalgie et modernité, opère d’autres locomotives telles que le Belmond British Pullman au Royaume-Uni, rappelant le charme des années 1920-1930. Ce train propose des excursions au départ de Londres avec des offres gourmet et des événements spéciaux. Le groupe exploite aussi le Belmond Andean Explorer, le premier train-couchettes de luxe en Amérique du Sud, reliant Cuzco à Arequipa et offrant une expérience unique à travers les paysages andins.

De la même manière, d’autres groupes développent des offres de voyages prestigieux à travers le monde. Par exemple, le Rovos Rail, établi en 1989, propose des safaris ferroviaires en Afrique, reliant des destinations majeures comme Le Cap, Durban, et Victoria Falls. Le Napa Valley Wine Train offre des itinéraires culinaires à travers la région viticole de Napa Valley en Californie. En Asie, le Train Seven Stars de Kyushu propose une expérience unique à travers le Japon sur l’île de Kyushu, avec un service d’exception, tout cela dans une décoration inspirée de l’artisanat local. Ces initiatives montrent que le secteur du voyage en train de luxe évolue avec des offres diversifiées et innovantes.

Le Moyen-Orient n’est pas en reste avec l’Arabie Saoudite qui a annoncé le développement du projet « Dream Of Desert » pour 2025. Ce train, qui comptera 40 cabines, transportera les voyageurs à travers le désert et les paysages spectaculaires du pays. Ce projet vise à faire découvrir les environs aux touristes ainsi qu’aux citoyens saoudiens et à montrer l’influence de l’Arabie Saoudite. Depuis de nombreuses années, le pays cherche à s’imposer comme une destination de prédilection pour le voyage et investit massivement dans ce sens. « Dream of Desert » est donc un nouvel investissement économique pour valoriser le portefeuille d’offres touristiques de la péninsule.

Ainsi, les grands groupes investissent de plus en plus dans les trains de luxe, qui deviennent des hôtels sur rails. Ils réinventent ces voyages en cherchant à capturer l’essence de l’expérience tout en intégrant des technologies de pointe et des services de luxe. Ces investissements conséquents répondent à une demande croissante pour l’expérience dans le voyage ainsi que pour la nostalgie de l’ère des grandes odyssées. Le haut de gamme continue d’être un marché lucratif qui se diversifie. Les collaborations, notamment avec le Groupe Arsenal (Le Dolce Vita et Dream of Desert) pour la décoration intérieure, illustrent bien comment chaque train de luxe intègre sa propre identité. Alors que l’Orient Express La Dolce Vita d’Accor promet une immersion dans le glamour, dans un cadre raffiné, mettant en avant l’art de vivre à la française, le « Dream Of the Desert » saoudien joue la carte du soft power et du rayonnement culturel avec un style oriental et des éléments décoratifs évoquant les vastes étendues du désert.

Outre les collaborations pour la création complète des trains de luxe, il existe également des partenariats spécifiques pour la décoration de wagons et la création de menus gastronomiques, offrant ainsi une identité unique aux différents trains. Par exemple, Wes Anderson, célèbre réalisateur, a redécoré un wagon du British Pullman de Belmond, Cygnus, avec un design Art Déco nostalgique et élégant. Jean Imbert, nommé chef du légendaire Venice Simplon-Orient-Express en 2022, réinterprète les menus avec une touche moderne tout en respectant l’héritage culinaire du train. Yoshitaka Amano, artiste japonais, a contribué à la décoration intérieure du Train Suite Shiki-shima, ajoutant une touche artistique et culturelle unique. De son côté, Sarah Heller, artiste et décoratrice, a conçu l’intérieur des wagons du Rovos Rail en Afrique du Sud, combinant luxe et style colonial. Ces différences soulignent la capacité de chaque groupe à offrir une expérience unique, tout en partageant un niveau de luxe et de confort exceptionnel.

En parallèle de ces investissements ferroviaires, le marché des croisières de luxe connaît également un développement notable, qu’il s’agisse de voiliers ou de yachts le marché des croisières de luxe a atteint 4 milliards d’euros en 2023, soit plus que le double par rapport à 2022 (Bain). Les offres destinées à un public privilégié ne cessent de croître. Contrairement aux immenses paquebots pouvant accueillir plus de 5 000 personnes, ces solutions sont plus intimistes, avec moins de 200 passagers à bord. L’objectif est d’attirer le public en misant sur des destinations exceptionnelles autant que sur la rareté du produit. Les prix élevés et un service de qualité soulignent que seuls les plus chanceux peuvent embarquer.

Des entreprises comme The Four Seasons Yachts, The Ritz-Carlton Yacht Collection ou encore l’Orient Express Silenseas (Accor), témoignent de l’intérêt croissant des principaux groupes hôteliers pour cette nouvelle opportunité économique, en proposant des projets de plus en plus extravagants. Chacune adopte le mantra : « Rien de tel sur le marché ». Mais comment cette tendance économique peut-elle être rentable face à une concurrence si féroce ? Comment vendre ces croisières, qui bien que promouvant une expérience de luxe inégalée, sont également très coûteuses ?

C’est avant tout grâce à l’unicité du concept ! En effet, 61 % des personnes les plus aisées aiment sortir des sentiers battus lorsqu’ils sont en vacances (YouGov). Les compagnies proposent alors des croisières en constante réinvention, avec des itinéraires et des spectacles qui évoluent. Chaque moment est unique et souvent irremplaçable. Les compagnies vendent donc non seulement un hébergement de luxe et un service de haute qualité, mais aussi l’aventure, ce qui permet de remplir les navires.

Hervé Humler, président et chef d’exploitation de The Ritz-Carlton Hotel Company, a déclaré : « Cette combinaison unique de plaisance et de croisière inaugurera une nouvelle façon luxueuse de voyager pour nos clients, qui cherchent à découvrir le monde dans une ambiance détendue, élégante et tout confort, avec un service personnalisé haut de gamme. » (Hospitality-on)

Ces établissements flottants allient parfaitement le style de vie luxueux à la liberté de vacances mobiles et offrent un accès privilégié aux plus beaux ports du monde. La plus petite taille des navires, bien plus qu’un choix dicté par la rareté pour le luxe, est aussi la promesse d’accéder à de nombreux villages habituellement inaccessibles aux plus grands navires. Ces nouvelles croisières symbolisent donc l’alliance parfaite entre la nostalgie et qualité des voyages d’antan et la sécurité des embarcations actuelles.

Parallèlement, l’innovation moderne se manifeste également par une approche plus durable. Ainsi, bien que les bateaux soient souvent considérés comme particulièrement polluants, les grands groupes hôteliers cherchent à intégrer une dimension écoresponsable dans leurs projets. Par exemple, Accor propose des yachts équipés de moteurs au gaz naturel liquéfié et d’énergie éolienne, avec trois voiles permettant, sous de bonnes conditions, une navigation 100 % à la voile. The Ritz-Carlton Yacht Collection, quant à elle, garantit la durabilité des systèmes de traitement des eaux usées et de production d’eau potable avec des technologies propres.

Les croisières de luxe représentent ainsi une facette innovante du tourisme haut de gamme, combinant intimité, exclusivité et une expérience de voyage constamment renouvelée. Il ne s’agit pas de transporter les passagers d’un point A à un point B ; mais d’offrir une expérience complète dans des cadres somptueux.

L’hôtellerie mobile 5* prend également la voie des airs avec les jets privés qui prennent eux aussi part au renouveau du transport d’exception. En effet, 10 % des personnes les plus aisées sont prêtent à payer plus pour une expérience en Jet/hélicoptère (YouGov). Bien que ce mode de transport soit déjà présent dans les sphères privées, les hôtels cherchent de plus en plus à proposer des forfaits en partenariat avec les compagnies aériennes privées. Cette tendance est en partie due à une demande croissante des voyageurs de luxe pour des expériences de séjours sans faille. Ainsi, en s’unissant, les deux entités créent des itinéraires de voyages emblématiques et personnalisés. Chaque étape, depuis le décollage jusqu’à l’atterrissage, est soigneusement orchestrée donnant aux hôtels et aux compagnies aériennes privées l’occasion d’attirer une clientèle aisée, désireuse de payer pour des services de prestige et à forte valeur ajoutée.

Un exemple de ce développement d’offre à l’avant-garde du luxe : En 2014, Four Seasons annonce la mise en service d’un Boeing 757 aménagé uniquement en première classe pour 52 passagers, offrant un tour du monde en trois semaines pour 119 000 $ par voyageur. En 2017, Four Seasons Hotels and Resorts s’est allié à NetJets pour proposer des itinéraires de voyage sous forme de trois parcours personnalisés. Ces parcours conduisent les voyageurs vers des destinations de rêve garantissant une aventure unique. Four Seasons propose également le Four Seasons Private Jet, un jet privé avec 48 sièges en cuir italien, des espaces sociaux, une cuisine gastronomique et un personnel dévoué, offrant des itinéraires exclusifs comme « African Wonders » et « Timeless Encounters ».

De la même manière, Fairmont propose aussi des services d’aviation privée afin d’emmener les clients dans des endroits difficiles d’accès. Ceux-ci, en plus de renforcer l’image de marque des hôtels, augmentent la satisfaction client en offrant une solution de transport élégante et pratique. Ainsi, l’intégration de l’aviation exclusive représente une véritable valeur ajoutée pour les établissements hôteliers qui améliorent leur offre et créent des relations solides avec les compagnies aériennes.

En conclusion, tous ces transports repensés, ces expériences et voyages hors du temps représentent avant tout la remise au premier plan de l’exploration dans le voyage : revenir à des aventures qui permettent d’être à plusieurs endroits lors d’un même voyage. Les grands groupes l’ont bien compris et y voient une opportunité économique conséquente tout en contribuant au prestige de leur marque. Les voyageurs aisés valorisent l’expérience. Proposer un trajet spécial tout en gardant la qualité des plus grands palaces constitue ainsi une alliance parfaite qui accorde au client l’opportunité d’un voyage exceptionnel et permet aux entreprises d’exercer des prix toujours plus élevés.

À bord de ces paquebots, avions et locomotives, les nostalgiques du Mauretania, les afficionados de l’Orient Express et les jet-setteurs modernes créent des souvenirs mémorables et donnent raison à Paulo Coehlo pour prouver une fois de plus que ; plus que la destination, c’est le voyage qui compte.

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