Transformation, innovation, restructuration. Le monde de l’hôtellerie est en constante évolution. Zoom sur la tendance Asset-light qui redéfinit le rôle de l’exploitant hôtelier et le rapport du secteur à l’immobilier.
Après la crise des subprimes de 2008, nombreuses sont les entreprises qui réalisent la fragilité de leurs actifs physique. C’est notamment le cas des groupes hôtelier qui cherchent alors rapidement un moyen de sécuriser leurs capitaux. Ce fut le début d’un phénomène qui ne cessera de prendre de l’ampleur : « l’asset light model ». Cette stratégie d’entreprise visant à minimiser la possession d’actifs physiques afin de réduire les coûts et augmenter la flexibilité opérationnelle devient la voie privilégiée des leaders du marché. Les plus grandes entités, telles que Accor, Marriott ou encore Hilton décident alors de vendre à des investisseurs les « murs » de leurs hôtels afin de récupérer un maximum de liquidité alors réinvestie dans les améliorations des structures déjà en place ou utilisées pour de nouveau rachats.
Aujourd’hui, après une crise COVID impactante ces grands groupes continuent de suivre un cheminement similaire. Ainsi, on retrouve une augmentation ces dernières années de la séparation des investissements immobilier et de gestion. Plus sécurisée, stable et avec de meilleurs rendements cette tendance se développe. Mais alors, si la profitabilité est au rendez-vous, pourquoi le concept n’est-il pas suivi par l’ensemble du corps hôtelier ? Une des réponses est l’image de marque. En effet, pour ce type de modèle le risque réside dans le fait que l’hôtelier ne dispose pas d’un bien immobilier de « sauvegarde » en cas d’échec. Pour une petite entité, qui ne s’est pas encore fait de nom suivre un tel système serait être soumis au risque que l’hôtel ne fonctionne pas et n’attire pas suffisamment de clientèle pour être rentable. Dans le cas des grand groupes, l’image de marque est telle que la clientèle est préétablie. En effet lors de l’implantation d’une nouvelle structure telle que le Hyatt dans une ville, le seul nom du groupe suffit à attirer du monde. La clientèle est facilement séduite et le risque est donc moindre.
Un autre argument, avancé par les géants du secteur pour justifier cette séparation du bien physique et du service et le besoin pour les hôteliers de se rapprocher de leur cœur de métier. L’hôtellerie est une activité à part entière, gérer un hôtel demande de fortes compétences de gestion, d’adaptabilité et de réactivité. Aussi, nombreux sont les gérants qui souhaitent se dissocier de l’activité d’investisseur immobilier afin de concentrer leurs actifs sur l’amélioration de leur service. Ils peuvent ainsi consacrer les revenus sur la maximisation de l’expérience client et ainsi fidéliser en proposant une expérience unique et inoubliable. Les investisseurs eux de leur côté financent des biens qui ont une forte propension de rentabilité sur le long terme. En s’associant avec des hôteliers, ils sécurisent des locataires qui ont peu de chance de partir. L’enjeu devient donc d’investir non seulement dans un bien physique mais aussi dans un concept en lequel ils ont confiance. En effet, la valeur de leur bien n’en sera qu’augmentée si l’hôtel qu’il accueille est de son côté plébiscité.
Cependant, « l’asset light model » ne doit pas forcément être considéré comme la solution miracle. S’il semble apporter beaucoup d’avantages à ses adeptes, le modèle n’en reste pour autant pas moins fragile. Beaucoup de questions se posent, notamment, vis-à-vis de la dépendance au propriétaire. Le gestionnaire est sous le coup d’éventuelles variations de loyer et n’a pas totalement la main sur les standards d’entretien. Ainsi positionné, l’hôtelier est vulnérable, soumis aux fluctuations du marché. Avec une liberté d’action partiellement limitée, ne risque-t-il pas à terme de ne plus être « maitre des lieux » ? Vient alors une interrogation face à l’argument de la spécialisation avancé par les grands groupes. L’attachement à un établissement, à une structure physique, aux recoins et aux charmes des murs, n’est-ce pas cela qui fait du gérant l’hôte d’exception ? N’est-ce pas cet engagement plus profond qui permet une qualité d’accueil pour chaque client ?
Quoiqu’il en soit, s’il est certain qu’en hôtellerie plus qu’ailleurs l’innovation est une des clés du succès, le développement de nouvelles stratégies est lui aussi un moyen de survivre dans un monde très concurrentiel. « L’asset light model » semble ainsi être une tendance amenée à croitre dans les années à venir. Aussi, nous pouvons nous interroger sur son impact vis-à-vis du paysage structurel hôtelier mais également à l’égard du positionnement des indépendants, sans oublier son influence sur la redéfinition de l’identité même du gestionnaire d’établissement.